«Le réveil tonne, le même réveil, la même
grimace, la même position, le même côté,
le même lit, la même odeur, à la même
heure, à la bonne heure, l’heure qui
tourne, le monde avec, le même monde, le
même lever, la jambe droite, puis la jambe
gauche, jamais autrement, ça porte mal-
heur, le même malheur, le dos qui coince,
le même dos, la même fenêtre, les mêmes
volets, le temps qu’il fait, le ciel bleu, le
ciel heureux […].»
Extrait de la page 7
Le roman revisite le célèbre mythe de Sisyphe. Mais ce dernier, ici, n’a pas eu besoin
de contrarier l’Olympe, il s’agit d’un simple fonctionnaire, condamné comme nombre
de ses semblables à revivre chaque jour le banal enfer du quotidien, absorbé dans la
répétition inévitable des mêmes gestes et pensées.
La force du roman de Donatien Leroy tient à ce pari fou : raconter les sept jours d’une
semaine terriblement banale pour en souligner l’inquiétant mécanisme et tenter de voir
si un événement imprévu peut encore affecter une routine proche du châtiment.
Un texte fascinant, hypnotique, à la fois hyperréaliste et fou.
La maison d'édition :

Les éditions sont nées en 2004 autour d’un collectif d’écrivains, traducteurs et philosophes, qui se sont regroupés afin d’éditer la revue inculte : Bruce Bégout, Arno Bertina, Alexandre Civico, Claro, Mathias Énard, Hélène Gaudy, Maylis de Kerangal, Mathieu Larnaudie, Stéphane Legrand, Charles Recoursé, Nicolas Richard, Oliver Rohe et Jérôme Schmidt.
Très très étonnant. Une petite prouesse littéraire, si tant est que cela puisse exister !!! Voilà un texte qui se lit d’une seule traite puisque seules quelques virgules lui donnent un peu de respiration. L’histoire se déroule sur une semaine et raconte avec maintes et maintes et maintes répétitions le quotidien d’un homme marié qui, tel Sisyphe, reproduit tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes, toutes les secondes les mêmes gestes accompagnés des mêmes pensées. La mort subite de son père devient le grain de sable qui dérègle, un temps, la spirale infernale. Ma curiosité l’a emportée sur la lassitude annoncée. Je me suis laissée avaler par ce texte audacieux par le fonds et la forme.
Hors normes par son écriture, sans point, étouffante et répétitive comme l’est le quotidien du personnage et ses rituels immuables (mêmes gestes, mêmes échanges, rassurants puisque rien ne bouge). Il faut beaucoup s’accrocher pour aller au bout de ce livre mais certains goûteront peut-être ce phrasé particulier et lancinant qui colle au plus près de son propos.
« Sisyphe » est un roman fascinant qui explore la monotonie et la répétition de la vie quotidienne à travers une semaine apparemment ordinaire. L'auteur revisite le mythe de Sisyphe de manière originale, en plaçant le personnage principal dans une routine qui semble sans fin. Cependant, au cours de cette longue semaine décrite par Leroy Donatien, un événement perturbe soudainement le quotidien du protagoniste. En lisant la quatrième de couverture proposée par Alphalire, j'ai été à la fois intéressé par l'originalité de ce roman et, en même temps, un peu préoccupé par la possibilité de lassitude. Finalement, l'écriture de l’auteur permet de s'immerger pleinement dans l'univers du personnage principal.
Texte sans point, roman fait d'une seule phrase que n'interrompent pas les titres des 7 chapitres, phrase née en amont du roman (qui ne démarre pas par une majuscule initiale) et qui se prolonge au-delà du roman (qui s'interrompt sans clore la phrase). Ce n'est pas la phrase qui est dans le roman mais le roman qui est dans la phrase, qui vient mettre en lumière une tranche de sept jours de cette longue phrase solitaire, qui vient cibler une séquence de gènes inscrite dans ce brin d'ADN de la solitude qui s'étend de la naissance à la mort du type, du monsieur, du mari, du fils, du père, de l'employé, du poisson de bocal, et peut-être au-delà de la mort si l'enfer de Sisyphe n'a pas de fin. Mais le roman me tient en haleine car cette séquence désorganise la routine implacable, la distend jusqu'à la limite de la rupture, jusqu'à remettre le poisson de bocal aux eaux vives, jusqu'à amener les gènes routiniers sur le fil de la mutation, jusqu'à faire intervenir Prométhée pour briser la cage dorée des dieux et rendre l'homme à la liberté. Une autre analogie qui s'impose: : s'il s'agissait d'une œuvre musicale ce serait une composition d'un seul mouvement (une seule phrase) à variations (par exemple les variations Diabelli de Beethoven), où lundi représente l'exposé du thème initial (volontairement étriqué et assiéché), suivi des 5 variations mardi à samedi qui finissent par disloquer ce thème, par s'en libérer, avant la sixième variation dimanche qui marque le retour vers le thème initial.