Branques (2015)

Fritz Alexandra

203, c’est le numéro de la chambre de l’hôpital psychiatrique où Jeanne, vingt-sept ans, que des traitements médicaux ont rendue obèse, a été internée après avoir tenté de se suicider avec de la mort aux rats. Elle tient son journal et raconte son séjour dans l’institution. Et voici ses rapports avec d’autres malades, aussi différents dans leur folie que Mélanie, qui se gave de livres et de philosophie sans trop y comprendre et s’est affublée d’un surnom dont elle garde le secret: «So-Called Isis»; Têted’Ail, le jeune homme rendu timide par sa laideur et qui peine à contenir ses pulsions sexuelles; Frisco, beau garçon brun de vingt-cinq ans au charme mystérieux, perpétuellement vêtu d’une chemisette d’été, qui épanche son désir d’ailleurs dans les fumées du cannabis et veut surtout qu’on le laisse tranquille. Sans parler des médecins et de leurs discours souvent inquiétants.Confrontés à un quotidien monotone de promenades et de repas en commun, séparés d’une «réalité» qu’ils refusent, les personnagesse débattent avec leur douleur, les mensonges et les fantasmagories des uns et des autres. Chambre 203nous fait pénétrer dans ce monde halluciné que constitue pour ses pensionnaires l’institution psychiatrique, sans apitoiement, avec ironie, des sarcasmes parfois, au plus près de la douleur.«Vous n’avez jamais connu ça, vous, vous êtes du bon côté de la barrière, mais ici c’est impossible de rester normal ou de le redevenir». Les fous, sont-ils dedans ou dehors? Être ou ne pas être fou, est-ce une question de fou? Voici ces voix que nous choisissons si souvent de ne pas écouter. Toutes posent la même question: qui est fou.

A propos de l'auteur :

Fritz Alexandra :

Alexandra Fritz (née en 1979 à Bordeaux) a suivi des études de philosophie et a exercé plusieurs professions, notamment dans les domaines artistiques et littéraires. Elle est responsable d’une bibliothèque municipale et animatrice périscolaire auprès d’enfants de 3 à 11 ans.

Crédit photo : DR

La maison d'édition :

Grasset :

Bernard Grasset fonde les Éditions Nouvelles en 1907 et publie plusieurs livres, souvent à compte d'auteur, comme le premier livre d'un certain Marcel Proust : Du côté de chez Swann. Installé rue des Saints Pères, les Éditions Grasset y sont toujours.

4|5
3 avis
4 Commentaires
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  • Pedro
    5 décembre 2016

    Quatre personnages dans un hôpital psychiatrique. On suit leur réflexion avec toute la détresse de ceux qui sont enfermés. Ils ne savent ni quand ni comment ils sortiront. Quelques passages sont au-dessus du reste du roman.

  • D.ma
    29 décembre 2016

    J'ai beaucoup aimé ces chroniques dans un HP .Comment La vie peut-elle basculer quand on est une jeune fille brillante? Tête d'ail, Isis et Frisco ont aussi basculé. Ça ne fait pas rêver? Il s'agit pourtant d'une interrogation sur l'humain et c'est Super bien écrit et...intelligent .

  • Jean-Luc
    3 janvier 2017

    trois malades psychiatriques vont exprimer leurs sentiments à travers des écrits poignants. D’abord mélancolique, ce roman petit à petit nous fait connaître la sensibilité de ces trois personnages jusqu’à leurs attentes, leurs amours, leurs pensées. Très bon roman plongeant dans la complexité de ces malades.

  • tlivres
    22 mars 2017

    Jamais 203, c’est le numéro de la chambre de l’hôpital psychiatrique qui accueille Jeanne. C’est son 2ème séjour et ce numéro l’interpelle. Est-il l’annonce d’une rechute ultérieure ? Elle ne saurait y répondre aujourd’hui. Comme Tête d’ail (venu du Gers bien sûr !), Frisco (dealer de 25 ans en mal de voyages) et So called Isis (jeune mère d’une petite fille de 3 ans), Jeanne parle à la 1ère personne du singulier. Ces 4 personnages, 2 hommes, 2 femmes, nous font découvrir de l’intérieur la maladie mentale. Ici, nul regard d’une jeune fille sur sa mère malade, non, le propos est tenu par les malades eux-mêmes. Malades, ils le sont plus ou moins. Frisco, par exemple, vient d’être interné parce que ses parents craignaient qu’il se mette en danger. Il leur en veut à ses parents, lui qui rêvait de voyages se retrouve emprisonné. Même pas dans une prison pour avoir être pris en flagrant délit de vente de drogue, non, enfermé à la demande de ses propres parents ! Ces 4 malades nous donnent à voir leur propre réalité. J’ai été frappée par l’importance que revêt le temps dans leur quotidien. C’est peut-être le lot de toutes les personnes hospitalisées, mais quand la maladie concerne le mental, c’est peut-être là une dimension décuplée… "La notion primordiale dans la tête de ces enfermés chroniques, c’est celle du temps. Celui qui passe, celui qu’il fait. On n’a que ça à becqueter, à longueur de chronomètre. Nuit et jour. Quand cela finira-t-il. Quand cela a-t-il commencé. Est-ce qu’il pleut. Quelle heure il est. J’ai faim. Vous attendrez votre tour. Je m’ennuie. C’est normal. Faut toujours attendre pour tout." P. 112 Alors quand la fin d’un séjour en hôpital psychiatrique devient une probabilité, le temps prend une importance toute particulière : "Lorsque l’on échoue une fois de plus à l’entretien médical, quelques minutes plus tard il n’est déjà plus question de sortir mais de l’heure du repas, ou la fatigue, entretenue par les puissants antipsychotiques, referme la brèche d’une réflexion à propos du retour au réel à peine entamée." P. 92 Bien sûr, la notion d’enfermement, d’emprisonnement, d’exclusion revient à de nombreuses reprises dans les réflexions de Jeanne, Tête d’ail, Frisco et So called Isis, qui souffrent de vivre dans un monde à part. Outre la maladie à laquelle ils sont confrontés, ils ont à surmonter le sentiment d’être seul et à trouver leurs propres armes pour lutter. Cette phrase m’a particulièrement touchée ! "Un humain livré à lui-même dans l’isolement ou la consignation, dont on a ôté la part de société qu’est la marque officielle du temps illustrera son intelligence dans la création d’un système de repères de fortune, sa survie psychologique en dépend, son humanité tout entière." P. 31 Chacun, à sa manière, traduit les effets de la maladie et des traitements sur son propre psychisme, sa manière d’être, de vivre… il est troublant de lire les impressions de Jeanne ! "La vie psychiatrique est une succession de faits minuscules dont les proportions ressenties dépassent la moindre évocation. Les regards paisibles y ont le plus de valeur." P. 34 Ce roman aurait pu être déchirant, mais c’était sans compter la qualité remarquable de la plume de son auteure. Alexandra FRITZ sait mettre une pointe d’humour sur un propos terrifiant à l’image de cette réponse faite par le monde médical quand un malade se plaint d’attendre pour tout : "Vous êtes « patient », c’est votre boulot les gars." P. 112 La plume d’Alexandra FRITZ sait être poétique aussi parfois : "Ecrire sur la solitude c’est comme laisser la lumière allumée dans la pièce d’à côté." P. 28 Je tiens à souligner une originalité de ce roman. Ce n’est pas si fréquent de voir une citation ouvrir chaque chapitre. Et bien, c’est ce que fait Alexandra FRITZ en faisant référence à Janis Joplin, Jean Genet, Charlie Chaplin, Antonin Artaud, Amy Winehouse… pour ne citer qu’eux. Et alors, Ce roman m’a rappelé cruellement « Le scaphandre et le papillon » de Jean-Dominique BAUBY, ce regard porté par un malade qui, suite à un accident vasculaire, ne peut plus manger, bouger, respirer sans assistance. Il ne peut plus compter que sur son œil gauche pour communiquer avec son entourage. C’est bien peu quand il s’agit de faire comprendre à un agent hospitalier qu’il voudrait pouvoir regarder le match de foot jusqu’à la fin alors que la télévision et la lumière de la chambre sont éteintes sans aucune précaution particulière à la mi-temps. Ce roman, il fait aussi un très beau pied de nez à l’actualité et à toutes les polémiques qui tournent autour de ce qui se passe sur les plages françaises. Lisez plutôt ! "Comme l’autre jour, à la mer. J’y suis allée seule, sans rien. Je me serais bien baignée toute habillée, tiens. Après tout ça aurait séché. Je n’ai pas osé, va savoir, qui s’en fout sur une plage. Les gens font n’importe quoi, sauf que moi, on m’enferme, non – hos-pi-ta-li-se –à cause de ça." P. 43 Encore un très bel exemple de différence qui nous amène à méditer sur le sens que nous pouvons parfois donner au code vestimentaire. Excessif, non ? Ce roman, c’est une lecture Coup de poing, à l’image de "Jupe et pantalon" de Julie MOULIN qui fait également partie de la sélection. Décidément, cette sélection est haute en émotion, je l’adore !