Relier les rives (2016)

Gross Marie-Claire

Tes mains sur les poignées du vélo rouge de Nicole : tendues, peureuses. Pinces éperdues, elles tremblent et s’accrochent au caoutchouc tendre et profilé, comme un poing fermé qui cache un pouce et tente de se souhaiter bonne chance. Peu à peu, la direction se calme. Elle perd ses à-coups crispés et ses spasmes imprévisibles. Tes mains se détendent comme une évidence. Griffes et velours, tout à la fois, elles serrent toujours le guidon mais appuient maintenant avec mesure ici ou là, pour aller droit, tourner doucement ou de manière radicale. Tu ne penses plus à ce que tu fais, être là devient normal. Tes mains se calquent sur ce que tu vois, concentrées comme tes yeux. Elles saluent les fleurs, passent sous les branches tombantes des pleureurs, jouent avec et caressent d’en dessous ces feuilles grises et sèches comme lambeaux de papier. Mâts qui murmurent au port. Derniers pêcheurs. Tu t’arrêtes plus loin. Tes mains s’appuient à la barrière métallique sur l’embouchure du ruisseau, elles évitent les guanos. Tu es assise sur le vélo. Des rats zigzaguent dans les pierres : ils barbotent puis se cachent. Tu reprends ta route. Tes mains dirigent la fourche. Course douce, course folle, la bécane te plaît, tu slalomes entre les platanes, tes mains serrent les poignées et se détendent, en alternance. Pour freiner, tu joues des doigts comme un pianiste. Relier les rives s’inspire de l’histoire réelle d’une femme précarisée. Dans une langue brute et rythmée, en proie à des sentiments variables, Soraya raconte l’instant. Sa noirceur et ses pépites. Sa voix alterne avec celle d’une femme qui se documente sur elle et cherche à la comprendre. Dans cette errance à deux voix, Soraya traverse un labyrinthe urbain, souvent alcoolisée et sans répit tandis que Lou-Anne élargit son monde en écrivant le soir. Comme des rives, les proches de Soraya tentent de lui offrir lien et soutien. Et l’eau, au fil des pages, relie les Alpes et le Proche-Orient, l’amertume et la douceur, la maternité et l’enfance, transformant la peur en joie.

  • - Année de publication : 2016
  • - Pages : 135
  • - Éditeur : Bernard Campiche
  • - Langue : Français

A propos de l'auteur :

Gross Marie-Claire :

Marie-Claire Gross est née en 1966. Enseignante, elle participe à des ateliers d’écriture et suit une forma-tion à l’Institut littéraire de Bienne. La perception de l’espace, les différences culturelles, le mouvement, laville et les relations entre les êtres habitent Relier les rives, son premier roman.

La maison d'édition :

Bernard Campiche :

« … Véritable artisan, amoureux de la belle ouvrage, voulant rester résolument indépendant, Bernard Campiche fait tout lui-même, lit les manuscrits, saisit les textes, met en pages et assure le service de presse. Soucieux de la qualité de sa production, il a fait le choix de ne publier que très…

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  • Christel Visée
    10 décembre 2016

    Avec une écriture brute, hachée et elliptique qui produit un peu l’effet d’une « caméra à l’épaule », Marie-Claire Gross entremêle des scènes de vie de Soraya, une femme en situation de précarité et de Lou-Anne, assistante sociale qui, sans jamais l’avoir rencontrée, se laisse intriguer par elle et tente de retrouver sa piste. Soraya incarne le destin d’une immigrée à la dérive en France qui noie dans l’alcool l’échec de son mariage et sa perte de repères. Au bord de son décolleté, sont tatoués une lune et un soleil qu’elle dévoile de temps en temps. D’une rive à l’autre, il y a le fleuve tumultueux de la vie, des cafés, des galères, des ponts parfois, et à la fin du roman, un coup de théâtre inattendu.